Vous l'aurez compris, on s'arme enfin de courage pour vous raconter ce que nous avons fait... il y a presque un mois ! On n'a pas arrêté de procrastiner (il faut dire qu'on a été bien occupés depuis, mais là ça se calme !)
Le weekend du 4-5 octobre, donc, c'était Bayram en Turquie. C'est une fête nationale, ce qui fait qu'on avait quelques jours fériés (le vendredi, le lundi et le mardi si je me souviens bien). Bayram est une fête religieuse à la base, ce qui fait que ce n'est pas un jour fixe (comme la Toussaint), ça change tous les ans selon le calendrier lunaire. Il y a deux fêtes de Bayram dans l'année: Şeker Bayramı, le Bayram du sucre, qui correspond à l'Aïd-el-Fitr ; et le Kurban Bayramı, le Bayram du sacrifice, qui correspond à l'Aïd-al-Adha.
Le Bayram de début octobre, c'est le Bayram du sacrifice, ce qui fait que tous les Turcs retournaient dans leur famille et on tuait un bon gros mouton (on a vu pas mal de moutons apeurés se faire transporter dans des pick-ups dans les villages).
Tout ça pour vous dire qu'on a eu quelques jours fériés, et que pour une fois on a pu partir avec des amis ! On s'est donc retrouvés à 6 à attendre le car de nuit à 2h30 du matin à l'otogar d'Istanbul, dans la nuit du jeudi au vendredi. Elodie nous avait invités à passer deux jours chez elle à Kuşadası, sur la côte égéenne.
Kuşadası
Le car ayant accumulé un peu de retard (il y avait beaucoup de monde sur la route), ce n'est qu'à 15h le vendredi que nous arrivons dans les environs de Kuşadası. Initialement, notre plan était d'aller déposer nos affaires chez Elodie, puis de prendre un dolmuş (un taxi collectif) jusqu'à Selçuk, un village à 20 km de là, un peu plus dans les terres, et qui abrite les célèbres ruines d'Ephèse. Finalement, nous optons pour une autre tactique: le car s'arrêtant à Selçuk sur la route de Kuşadası, nous y descendons avec tout notre barda pour aller visiter ce qui reste de l'une des plus belles cités grecques d'Asie mineure...
Elodie, Agathe A, Agathe N, Ophélie et Pierre
On commence à marcher en direction du site, qui était censé se trouver à 2 km à pied de là où le car nous avait déposés. Le trajet nous paraît un peu long et le soleil tape dur... on finit par essayer de trouver un dolmuş en direction du site !
Comme le dolmuş est bondé, on est obligés de se séparer. Je continue à pieds vers le site avec Ophélie, Elodie et Agathe, et à un km du site, une fois quittés la grand'route, un mec dans une calèche nous propose de nous prendre à son bord. On commence par aller chercher les autres qui nous attendaient à l'entrée basse du site, où ils ont dégoté un mec pour garder nos sacs dans un coin. Puis la Agathe, qui tient les rênes de nos deux destriers comme une chef, nous emmène voir la Grotte des Sept Dormants, où nous dégustons des gözleme (des sortes de galettes faites par des mamies, à l'ancienne).
En calèche ! & les mamies aux gözleme
La légende des Sept Dormants d'Ephèse :
Vers 250, sous l’empereur Dèce, les Chrétiens sont encore persécutés. La légende raconte qu'un groupe de jeunes gens poursuivis pour leur foi chrétienne se réfugie dans une grotte où ils s’endorment et sont emmurés par leurs persécuteurs. Ils se réveillent deux siècles plus tard, sous le règne de Théodose II, vers 430, et attirent l’attention des autorités pour avoir essayé d’utiliser des monnaies du règne de Dèce pour acheter de la nourriture : l’empereur lui-même se rend sur les lieux à l’occasion d’un pèlerinage à Éphèse. On finit par crier au miracle (interprété comme une préfiguration de la résurrection des morts), on construit une église autour de la grotte qui devient un lieu de pèlerinage.
Grotte et église des Sept Dormants
La calèche nous reprend à son bord et nous contournons tout le site d'Ephèse pour nous rendre à l'entrée haute : cela nous évite de faire l'aller-retour. Arrivés à l'entrée, je me rends compte que j'ai oublié ma Müzekart (la carte étudiante qui permet d'entrer gratuitement dans les musées et sites archéologiques) dans mon sac, à l'autre bout du site, j'étais vraiment énervée ! Mes super potes se sont cotisés pour payer mon entrée, ce qui est super sympa. Sur ce, on entre enfin dans le site en lui-même, qui était vraiment incroyable (même s'i y avait pas mal de monde).
Cité haute, agora d'Etat
Notre visite commence donc par la partie haute de la ville. C'était le quartier administratif: on y trouve...
- les thermes de Varius
- l'odéon ou bouleuterion: sorte de théâtre, plus petit que celui réservé aux spectacles, qui se trouve dans la partie basse de la ville. Il servait à rassembler le Sénat, et de temps en temps il abritait des concerts. Il date de 150.
- la basilique civile ou administrative dont on ne voit plus que quelques colonnes, dont certaines avec des têtes de taureau
- l'agora d'Etat, sorte de grande cour entourée, à l'époque, d'un portique. Aujourd'hui, il est parsemé e blocs de marbre. On y traitait les affaires politiques et religieuses de l'Etat (l'empereur était considéré comme un dieu).
- l'hôtel de ville (prytanée) datant du 3e s. av. JC, qui renfermait le feu sacré de la cité et était dédié à Héra (la déesse du foyer) sous les traits d'Artémis polymastros (aux seins multiples).
Odéon et Prytanée
On commence à descendre un petit peu, et on arrive sur une place en triangle appelée la place de Domitien. En plus du temple de Domitien (le grand espace vide que vous verrez sur les photos ci-dessous), on peut y voir des monuments à la gloire de citoyens illustres (cf. les bas-reliefs vaguement restaurés), dont le nymphée (une fontaine, celle-là avec une grande arche impressionnante) de Pollio, du nom du citoyen qui avait fait construire l'aqueduc qui conduisait l'eau à la ville.
Place de Domitien
On arrive ensuite dans mon endroit préféré du site: la rue des Courètes. C'est une grande voie pavée de marbre, légèrement descendante, qui contient entre autre la fontaine de Trajan et le temple d'Hadrien que je trouve vraiment beux, et depuis laquelle on a une vue sublime sur la très fameuse bibliothèque de Celsus, emblème d'Ephèse.
C'était la voie sacrée qui conduisait au temple d'Artemis (déesse de la ville). Les courètes étaient les hauts fonctionnaires du temple d'Artemis, confrérie de 6 prêtres chargés de l'administration du culte. Comme toutes les processions empruntaient cette voie, elle est flanquée de temples, statues, stèles et fontaines à la gloire de Rome.
Derrière le superbe temple d'Hadrien, on peut visiter les termes de Scholastikia ainsi qu'une maison close ("sanctuaire" du dieu de la fécondité) et des latrines publiques...
C'est là que la Rue des Courètes débouche sur le chef-d'oeuvre d'Ephèse: la bibliothèque de Celsus.
Elle marque le croisement entre les deux parties de la ville, supérieure et inférieure. Construite vers 114-117, elle contenait 12000 rouleaux, ce qui en fait le troisième fonds antique le plus important après la bibliothèque d'Alexandrie et celle de Pergame. Evidemment, tout a péri dans un incendie ici aussi, au 3e s. ap. JC.
Il n'en reste en fait que la façade, mais quelle façade ! Transformée en nymphée par les Byzantins, c'est un véritable joyau d'architecture qui donne une idée de la beauté de la ville à cette époque. On peut encore voir la tombe du gouverneur de la province d'Asie à qui la bibliothèque a été dédiée. Les statues placées en saillie personnifient la Fortune, la Sagesse, le Savoir et la Vertu, emblématiques des qualités de Celsus.
Si jamais vous vous posez la question, la façade est bien carrée ! Même si on ne dirait pas.
De la ville basse, ne restent principalement que des rues pavées de marbre d'une taille impressionnante, les ruines du stade et du port antique (car à l'époque, la mer arrivait là), et le théâtre, lui aussi grandiose.
C'est l'un des plus vastes théâtres du monde antique. Les gradins ont été largement restaurés à coup de béton : ils pouvaient accueillir 24 000 spectateurs.
Du haut de la cavéa, à 38 m de hauteur, la vue est splendide et s'étend jusqu'au port ensablé au loin !
Nous finissons la visite sur un petit arrêt au Müze-shop où Elodie s'amuse beaucoup avec les statues... puis nous retrouvons nos sacs, prenons un dolmuş direction Selçuk, un autre jusqu'à Kuşadası, et nous nous installons tranquillement chez Elodie !
A suivre...
